A la rencontre du Marquis de Trazegnies

Micheline et Stéphan Sarnowski

Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski

Nous avons eu le plaisir de rencontrer le Marquis Olivier de Trazegnies. Un homme affable, érudit et disponible.

Monsieur le Marquis, parlez-nous de votre parcours.
Je suis né à Bruxelles en 1943, j’ai fait une partie de mes études à la rue du Bailli à Bruxelles et les ai poursuivies à l’internat Cardinal Mercier.
J’ai fait le droit et les sciences économiques à l’université de Leuven.
Durant toute ma jeunesse bien qu’habitant Bruxelles, je passais mes vacances, mes weekends au château de mes grands-parents. A cette époque, nous vivions à Corroy, comme des aristocrates du 19è siècle. Pas vraiment dans l’air du temps.
Beaucoup de terres, du personnel, un train de vie, impensable de nos jours.
Mon grand-père s’occupait de ses terres et de ses bois,
Ma grand-mère s’occupait beaucoup du village. Dans une pièce appelée « l’Etat », déjeunaient nos travailleurs (jardiniers et aides), pouvaient aussi y venir des gens dans le besoin qu’ils soient de Corroy ou d’ailleurs.
La vie du château et celle du village sont fortement imbriquées. Durant la guerre, le garde forestier réserve des coupes de bois pour que les villageois puissent se chauffer.
A la fin du XIXe siècle, il y avait près d’un millier d’habitants à Corroy. C’est à cette époque qu’eut lieu l’émigration de certains vers le Wisconsin (encore que le gros des émigrés partit de Walhain St-Paul).
Par la suite, la population de Corroy tomba et ne se redressa qu’à partir des années 1970.
Des militaires américains, à la fin de la dernière guerre feront le détour par Corroy, pour connaître le pays d’origine de leurs parents. Ces derniers pratiquant encore le wallon chez eux.
Mon grand-père meurt à 88 ans, âge respectable pour une personne qui avait connu les tranchées pendant 4 ans.
Et en 1957, mes parents héritent du château. S’en suivent 2 années de travaux. Il y avait, depuis le milieu du XIXe siècle, un chauffage central au charbon. Ensuite vint un chauffage à mazout. En 1957, la première chose que firent mes parents fut d’installer 2 nouvelles chaudières et de refaire la totalité du système.
Mon père crée en 1948 une société qui importe les produits Braun (rasoirs) et des transistors (radios) allemands. Plus tard s’adjoindront, fin des années 60, les produits SEB (casseroles à pression) et fin des années 70, les produits Hitachi (les premières chaines HI-Fi). Cette activité l’éloigne forcément de la gestion du château.

Quand le château est-il devenu accessible au public ?
En 1971 se crée l’année des châteaux. Et Corroy ouvre ses portes au public pour la première fois. Certains guides sont là depuis 25 ans (les guides actuels).
C’est l’époque où je passe 6 mois en Angleterre. Mon diplôme en poche, je deviens conseiller juridique, fonction que j’exerce pour plusieurs sociétés, mais sans motivation profonde.
Absorbé par le château, je décide de le reprendre en mains. J’y habiterai seul de 1972 à 1977, utilisant le chauffage avec parcimonie, par souci d’économie et ce pendant 2/3 ans.
En 1977, les premiers locataires s’installent. C’est une première respiration qui me permet de faire face à certains travaux. Il y a actuellement 3 locataires qui occupent différentes parties du château (dont des Anglais, depuis 1983) et 1 locataire au bout du parc.
C’est aussi l’époque où je loue le château pour des mariages et divers événements. Mais cette activité ne fut pas une expérience heureuse (dégradations, nuisances sonores, plaintes des locataires).

Chaque année, à Pâques, Monsieur le Marquis ouvre son parc à l’asbl Les Faisans pour organiser la chasse aux œufs et raconte son improbable conte de Pâques.

Le château est géré par une asbl. Celle-ci compte des membres généreux et concernés par la pérennité du château.
Mais trente ans se sont passés et les problèmes se succèdent : fuites, problèmes de chauffage, planchers…
J’ai fait donation du château à l’Association Royale des Demeures Historiques et Jardins de Belgique, dont le président est le prince Lorenz. À ma mort, mes ancêtres seront ici depuis 1095, et les Trazegnies proprement dit depuis 1809 et cela sans discontinuer.

Avez-vous d’autres occupations que le château ?
Oui, bien sûr,
Je suis administrateur depuis 45 ans des demeures historiques de Belgique
J’étais vice-président de l’Internationale Burgen-Institut, qui a fusionné en 1990 avec Europa Nostra. Je suis, depuis lors, administrateur de l’entité fusionnée.
Europa Nostra, c’est la fédération européenne du Patrimoine Culturel. La voix de ce mouvement est dirigée vers les organisations internationales et en
particulier l’Union Européenne, le Conseil de l’Europe et l’UNESCO. Europa Nostra est reconnue comme une ONG partenaire de l’Union Européenne,
avec rôle consultatif. C’en est même devenu le bras culturel.
Enfin, je suis gouverneur de l’Union d’Associations de Demeures Historiques, qui ne concerne que les demeures historiques privées.
J’ajoute que j’ai encore vingt autres activités (dont la présidence de l’Ommegang de Bruxelles), mais nous nous sommes arrêtés au domaine du Patrimoine.
Nous prenons congés du Marquis en nous promettant secrètement de le revoir.