Histoire d’une immigration Flamande

CHEMIN FAISANT…

Une série proposée par Micheline et Stéphan SarnowskiMicheline et Stéphan Sarnowski

Le 15 mars 1954, par une journée de printemps brumeuse, la famille de August et Marie Baes-Van Waes quitta la Busstraat (Zaffelare) pour une ferme wallonne, poussée, comme d’autres agriculteurs ou fermiers de leur région, par le manque d’avenir. Il y avait 8 enfants. August ainsi que son frère René épousèrent deux sœurs, Marie et Anna Van Waes.

René, le plus entreprenant, marié à Anna décida de quitter Moerbeke, peu après la guerre pour venir s’établir en Wallonie, à Corroy-le-Château dans une ferme située le long de la chaussée de Charleroi.

La façade de la ferme Baes-Van Waes, sur la Chaussée de Charleroi, vers 1954 

Quelques années lui suffiront pour reprendre une plus grande ferme à Fleurus. Il laissera la ferme de Corroy à son frère August et sa belle-sœur Marie.

Dans les documents laissés par l’instituteur Henri Van Hooreweghe, on retrouve une lettre de Jozef Baes (fils d’August et agriculteur à Corroy jusqu’à son décès en 2014) adressée à son ancien instituteur de Zaffelare, peu de temps après avoir quitté sa classe. Cette missive parle de son étonnement par rapport à tout ce qu’il vivait en Wallonie et qu’il n’avait pas encore pu vivre à Zaffelare. Il parle aussi de sa nouvelle maison, de ses nouveaux amis.

Vous trouverez cette lettre ci-dessous. Elle date du 5 avril 1954, Jozef a alors 8 ans et fréquente l’école du village.

Nous pouvons sur fond de cette lettre reconstruire tout ce que cette famille abandonnait à Zaffelare : une ferme de 10 hectares (ce qui était déjà conséquent pour une ferme de cette région ), une ferme basse au toit de chaume, sans téléphone ni eau courante. Les parents dormaient au rez-de-chaussée dans une grande chambre et quelques enfants dans une petite chambre ou dans une chambre voûtée. Les garçons dormaient au grenier. Des champs entourés de haies qui ne permettaient que de voir un champ à la fois. Il y avait aussi un cheval de trait mais pas de tracteur ni d’autres machines agricoles performantes tels qu’une machine qui pouvait nouer automatiquement les blés. On ne parlait pas le français bien sûr à part quelques privilégiés et à Zaffelare, le train ne passait pas. Une seule langue était commune, celle de l’église : le latin. 


Lettre d’un jeune émigrant de Zaffelare en 1954

« Je prends ma plume pour vous écrire quelques mots. Une semaine après notre arrivée, nous devions aller à l’école. Ce n’est pas une belle école mais nous pouvons quand même y étudier. A un hectomètre derrière notre champ circule le train. Parfois un long, parfois un court. Ici, il fait montagneux et on peut voir tout le paysage à partir de notre champ. Nous avons 40 hectares de terre et devons marcher un quart d’heure pour rejoindre l’école.

Tout est déjà semé, nous avons deux tracteurs et aussi un téléphone. Nous avons 4 remorques et 2 « noueuses », une nouvelle et une vieille. A côté de notre école on a construit une école maternelle. Elle doit encore être « nettoyée ». Et j’ai déjà un copain qui parle le flamand. Il vient de Aalter. Maintenant, il n’habite pas très loin de chez nous. Nous avons une grande grange, un semoir et une balloteuse. L’église est belle et je dois servir à la messe. Nous avons 6 robinets. Ma chambre est belle et grande et nous dormons tous à l’étage. Il y a aussi une petite chapelle derrière notre ferme.

Un bonjour à tous

Baes Jozef » , le 5 avril 1954