CHEMIN FAISANT
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Au P’tit Blanc
Nous sommes allés prendre l’apéro au Prit Blanc. Vous connaissez ? Non, alors c’est que vous n’habitiez pas encore le village… Si nous vous disons Courthéoux, les mémoires se raviveront certainement.
Courthéoux, l’une des épiceries du village, proposait une vaste gamme de produits. Et a dû fermer juste avant l’introduction de l’Euro et ses arcanes administratives.
Bref, nous sommes allés chez Christiane Dufey et Robert Cornille.
La maison qui fait le coin de la rue de la Maison d’Orbais et de la rue de Villez, en face de la petite chapelle notre Dame des Affligés.
Avant le Courthéoux, il y avait donc le Petit Blanc, un des 25 cafés de Corroy, tenu par Louis, le grand-père de Christiane, quand son métier d’ouvrier agricole chez Delchevalerie le lui permettait.
Il y avait donc le « café », dans la pièce principale, et jouxtant celui-ci une petite ferme avec vache, cochons poules. Une petite ferme typique, comme tant d’autres, pratiquant une certaine autarcie alimentaire.
Alexandre, le fils de Louis, plafonnier mineur, reprend le café qui est alors ouvert tous les soirs au retour de la mine
Il y eu donc jusqu’à 25 cafés dans Corroy, on se souviendra du café « Chez Bastin », à côté du Petit Blanc.
Des lieux où les rires, danses et « batailles » politiques animaient la vie du village. C’était le temps ou catholiques et socialistes ne fréquentaient pas les mêmes cafés
L’alcool est défendu par la loi, mais qui n’avait sa petite goutte, sa fine à 2 centimes le verre sous sa table?
Ce quartier du village attirait beaucoup de monde, il faut dire que les distractions ne manquaient pas.
Un terrain de balle pelote, à côté de la chapelle : un jeu de quilles et un bouloir. On a difficile à l’imaginer mais les terrains étaient vierges de maisons.
Et cerise sur le gâteau, le grand-père de l’actuel Marquis, alors bourgmestre du village fit construire un petit théâtre en bois, juste à côté du café, dans le prolongement de la rue du Villez.
On y joua au théâtre, il y avait déjà une troupe renommée. Et on y présenta aussi des opérettes. En 1954, on supprima le théâtre et les matériaux furent récupérés par le maréchal-ferrant, sur la place, juste à côté du Charroux. Il était courant de voir sur la place des chariots tape-culs ou beignons (tombereaux)
Mais revenons à Christiane qui fait ses études primaires à Corroy, école dirigée par madame Vancopenole. Mais les temps sont durs et il faut gagner sa vie. Et alors que Christiane rêve haute couture, elle entre pour 3 ans en apprentissage chez Bethume à Sombreffe, celui-ci avait habité auparavant à Corroy, rue du Presbytère (maison de la regrettée Paula).
Elle se spécialise dans la confection de vêtements d’hommes.
A 17 ans, la voilà gardienne d’enfants chez l’institutrice de Tongrinne. Elle en garde de beaux souvenirs.
A 18 ans, elle est émancipée et devient propriétaire du petit blanc, papa est retraité et doit éviter le cumul (eh oui, déjà) s’il veut maintenir ses droits à la retraite.
Le temps passe, elle va danser. Les guinguettes sont mobiles. Elles vont de village en village. Et voilà qu’à la guinguette de Tongrinne, installée au Docq (près du serrurier Hayon), elle fait la connaissance de Robert.
Originaire de Ligny, et militaire. Ils vont se courtiser 3 ans, nous sommes fin des années 50. Ils achètent la maison de famille, le café ferme en 1963, et Christiane ouvre son épicerie en 1964.
Tout qui connait Christiane, sait qu’elle aime le contact, la liberté et une certaine indépendance. L’épicerie a donc tout naturellement remplacée ses travaux de couture à domicile. Robert, lui, poursuit une belle carrière à la SABCA. Comme électricien.
D’autres commerces existent à Corroy, mais Christiane y croit et deviendra, ce que l’on appellerait aujourd’hui, franchisée Courtheoux La concurrence est forte, il y a un Delhaize le Lion, à côté de l’église, chez les Bethume ; il y a le Poids d’Or, rue Maison d’Orbais.
Il y a Befay, au coin des rues du Villez et Quintens (près de l’unique boîte à lettres du village). Et quelques autres.
Christiane se diversifie; charcuterie de premier choix, les premiers surgelés, Robert lui fabrique de beaux frigos recouverts de bois.
Les premières viandes sous vide. Et au fur et à mesure de la disparition des magasins concurrents, Christiane ajoutera de la petite quincaillerie, tout pour coudre et tricoter, des pyjamas, des draps, des bas nylon, le service téléphone et bien d’autres choses. Une vraie superette et une seule vendeuse, elle-même.
Le stock, de plus en plus important est se range au grenier par une trappe. Imaginez le boulot! Plus tard, Robert, doué de ses mains, tous les Faisans vous le diront, va lui faire un stock de luxe, dans son garage actuel. On pourrait y ranger 3 carrosses.
Christiane travaille 8 heures par jour et souvent plus.
Son bon cœur répond toujours présent. Elle se souvient d’un gamin venant chercher du café pour son papa à 5 h. du matin. On ne laisse pas un voisin partir au travail sans son bidon de café.
Quand on est serviable, on accepte les ardoises, et ils furent nombreux à en abuser. Beaucoup ne seront pas épongées. Christiane assume.
Entretemps, la famille s’agrandit, 2 filles, des petits-enfants, des bonheurs mais aussi des malheurs.
Robert est prépensionné, mais pas question d’aider Christiane. Toujours la loi et le cumul.
C’est l’époque ou des « fonctionnaires » se pointent à toute heure, même très tôt le matin pour coincer notre Robert.
Robert s’occupe de la maison, de ses petits-fils, du potager et participe aux activités du village – pêche, jeux de cartes, … Impossible de coincer ce Faisan des plus actifs.
Mais les années passent, la fatigue et les courbatures s’installent. Christiane pense à la retraite. L’euro va l’y décider, plus tôt que prévu.
L’introduction de l’euro entraine de gros frais, une balance étalonnée en euros, une étiqueteuse, une nouvelle machine à couper, une nouvelle comptablité, etc… Beaucoup trop pour une seule personne dont le mal au dos s’intensifie.
Et voilà, la demière épicerie du village ferme, c’était inévitable, la vie a changé, les habitants vont au plus pressés, les grandes surfaces en périphérie, le boulot à l’extérieur, la voiture…
Il est fini le temps des « bavettes », si chère à Christiane.
Leur gentillesse et disponibilité a fait des émules. Christine, leur file est infirmière, leur petit-fils Steven sera bientöt kine. Brian se débrouille un maximum, avec l’aide bienveillante de ses grands-parents.
Vous vous souvenez, la collecte des bouchons en plastique, c’est pour son home. Cette collecte se poursuit, ne l’oubliez pas.
Merci à Micheline et Stéphane pour cet interview de Christiane et Robert