Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Bernadette est née en Hainaut, il y a 68 ans. Elle y a vécu avec ses parents, 2 frères et 1 sœur. Après l’enseignement primaire, les parents s’installent à Bruxelles. A Saint-Josse. Après des humanités scientifiques, Bernadette obtient un diplôme d’institutrice.
Déjà très sociable, elle fréquente le patro et le cercle paroissial. C’est là qu’elle rencontre José qui deviendra son mari. Elle a 19 ans, lui 20. Ils ont 3 enfants. Nathalie, directrice générale à la commune de Floreffe et actrice de la troupe de théâtre des Faisans. Emmanuel, inspecteur de police principal à la ville de Gembloux et Sophie, institutrice maternelle. Ils donneront 9 petits-enfants (de 12 à 21 ans) à Bernadette et José. Ces derniers cherchent à acheter une maison, mais Bruxelles est déjà hors de prix. Et les voilà qu’ils s’installent a Corroy, dans le quartier Marvelle.
Il y a 40 ans, il n’y a que quelques maisons. De quoi se sentir seuls par rapport aux bruits de la ville nous dit Bernadette. Les enfants fréquenteront l’école du village (chez Mr Malcourant et madame Josette Demeure).
Bernadette travaille comme institutrice à Bruxelles, elle n’est pas encore nommée et court d’école en école en tant qu’institutrice intérimaire. C’était une véritable course entre train, trams et bus se souvient Bernadette. Enfin, elle sera nommée à Gembloux, au collège Saint-Guibert. Comme institutrice des primaires et ensuite comme éducatrice dans le secondaire.
Bernadette est membre du comité des parents de l’école de Corroy et y est très active. Quand ses enfants quittent l’école pour le secondaire, elle est approchée par Marina pour rejoindre l’asbl les Faisans. Le but des Faisans à l’époque était d’obtenir une salle qui permettrait aux enfants de faire de la gymnastique et d’offrir un lieu pour les manifestations des associations du village. Et c’est ainsi que s’est concrétisé, en partie, la construction de notre salle des sports.
Bernadette deviendra secrétaire de l’asbl et sera rejointe par José qui en deviendra un des administrateurs.
Bernadette, avide de contacts sociaux, rejoint le TOP 50 de Jeannine qui fête ses 10 ans. Elle participera aux marches du mardi matin et à différentes excursions.
Par des connaissances, la famille Alvarez se retrouve accompagnant des membres d’Afrique au Cœur qui au Burkina Faso apporte son soutien à l’autosuffisance alimentaire et à la formation.
Là c’est le choc, nous dit Bernadette, on se retrouve au milieu de nulle part et à une autre époque. Bernadette rejoindra l’association et en deviendra la présidente pendant 3 ans.
Je me bats contre des moulins à vents nous dit-elle, trouver des nouveaux membres est difficile. Nous développons pour le moment des foyers améliorés. Bernadette poursuit : au Burkina, la recherche de bois pour la cuisine est un problème aigu dans un environnement en voie de désertification. Les femmes y passent beaucoup de temps. Les fumées dégagées par les foyers traditionnels causent des problèmes respiratoires importants chez les femmes et les enfants.
Bernadette renchérit : c’est une belle organisation, qui demande beaucoup d’énergie, l’Afrique est loin et suscite peu d’intérêt. Aucun subside, Afrique au Cœur fonctionne avec des dons (avec déduction fiscale) et l’organisation d’évènements festifs qui ramènent quelque argent dans les caisses.
C’est ainsi que l’an passé, à la fête de la Saint-Lambert (fête du village, en septembre), les bénéfices de la friterie ont été reversés intégralement à Afrique au Cœur. Le Top 50 participe également au travers de son goûter de Noël et la troupe des Faisans lui consacre la recette d’une de ses représentations. Mais, ce qui manque le plus, insiste Bernadette, c’est le recrutement de nouveaux membres pour le comité. Avis aux intéressés !!
José, qui aime les Asturies en Espagne ( il y est né) y emmène plusieurs fois sa famille. Et plus précisément à Aller. C’est une région superbe, accidentée, avec des dizaines de villages nichés dans la montagne et des paysages à couper le souffle.
Enthousiasmés par ces voyages, Bernadette et José emmènent des habitants de Corroy avec eux et ainsi naît progressivement le jumelage Gembloux/Aller. En 2016, le jumelage a fêté ses 10 ans.
Un voyage est organisé chaque année, à la Saint-Martin (11 novembre). Ce voyage est ouvert à tous. Il est organisé à prix coutant. Cette année, il y a déjà 40 inscriptions. La section du jumelage offre chaque année un petit plus aux voyageurs, comme une journée de ski aux ados…
Les Espagnols participent chaque année à la fête médiévale, à la fête de la Saint-Lambert. Ils sont hébergés chez l’habitant. Et visitent les perles de notre patrimoine national. Le tout leur est offert grâce aux bénéfices réalisés lors d’ événements festifs. Depuis peu il y a aussi des échanges au niveau sportif, principalement des rencontres de football.
Quand on vous disait en début d’article, discrétion et efficacité. Bernadette est heureuse à Corroy, son emploi du temps est bien chargé et ses moments de liberté elle les consacre à ses petits-enfants.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Rue de la Gotalle
Chemin faisant, nous nous rendons rue de la Gotalle.
Le mot Gotalle, terme wallon, à rapprocher du mot « goute » indique que ce sentier situé dans un lieu marécageux possédait des rigoles destinées à l’écoulement des eaux et au drainage des champs. En effet un peu plus loin, en descendant vers les champs, on trouvera un lieu dit les gotaux….
Lieu incontournable de la rue, nous avons rendu visite à la ferme Woiche, mieux connue sous le nom de la ferme du Villez , isolée sur un plateau (160m de hauteur), petite ferme en Triangle, clôturée dès la première moitié du XIXè siècle, possède de beaux volumes chaulés et une grange longère.
Nous y rencontrons Clarisse, épouse de Didier Woiche, les exploitants de la ferme depuis bientôt 4ans. Clarisse nous vient de Ciney, ses parents y étaient agriculteurs. Si Clarisse a un diplôme d’assistante en pharmacie, jamais elle n’a imaginé en faire son métier. Elle voulait retourner à la terre. Elle aime ce métier, pour son indépendance, sa liberté et la possibilité de gérer son temps.
Il y 4 ans, ses beaux-parents, Auguste et Maryse prennent leur retraite. Ils aménagent chez leur fille qui vient de construire au début de la rue. Les beaux-parents restent accrochés de cœur à leur ferme et aident volontiers Clarisse et Didier, leur fils. Il faut dire 100 hestares de terre, et 215 bovins, c’est du boulot !
Je crois qu’il doit y avoir à Corroy presque une vache par habitant, nous dit Clarisse. Il est vrai que notre village compte de nombreuses fermes actives. Les Woiche cultivent le blé, le froment, l’escourgeon (pour les bêtes), le maïs, les betteraves sucrières et fourragères, plus les chicorées. Celles-ci, ressemblent à de grosses carottes de betteraves. On en retire notamment un sucre pour les diabétiques. Clarisse aime les contacts sociaux et la ferme va les lui procurer. Les produits de la ferme vont lui permettre d’ouvrir un petit local ou elle vendra des produits qu’elle élabore à partir de sa production ou de celle des fermiers des environs. Rien que du local et du naturel. Clarisse, perfectionniste, suit une formation en fromagerie à St Quentin.
Il faut goûter son « Ptit Villez », un fromage raffiné.
Au magasin nous trouvons du lait, des œufs, des fromages blancs, des yaourts de divers goûts et la possibilité de commander des plateaux à raclette, des poulets en saison. Clarisse nous propose aussi une très large gamme de crèmes glacées, 15 parfums au total. Vendues au litre ou en 150 cl. Et puis, pourquoi ne pas faire des gâteaux. Clarisse les fait à la demande et propose aussi, dès à présent, ses bûches de Noël.. Il y a aussi les colis de viande (bœufs élevés à la ferme). Vendus par 5 et 10 kilos. On peut aussi obtenir des plus petits colis à la demande. Clarisse ne souhaite pas s’agrandir. Elle restera locale et fournira de petites structures, comme la « Ruche qui dit oui », qui vend uniquement par internet… Et chez Épicentre, au cœur de Gembloux où vous trouverez le fameux « Ptit Villez ». Le magasin vous accueille les mercredi, vendredi et samedi de 14 à 17 heures. Et dans ce tourbillon, Clarisse et Didier assurent la relève avec Emmelyne, Romain et Simon.
La tradition familiale perdure.
Une petite ferme fut construite en 1734 par Isidore Higuet. La famille Woiche reprend la ferme quasi la même année et agrandit celle-ci pour en faire ce que nous en connaissons aujourd’hui.
Elle est restée dans la famille depuis, au gré des mariages le nom des propriétaires restera inchangé. Auguste et Maryse reprennent la ferme en 1977. Elle compte alors +/- 34 Ha et +/- 60 bovins.Auguste, fut élève de Monsieur Malcourant, en même temps qu’un des fils Van de Walle (la ferme près de l’église).
Ernest Woiche, le grand-père de Didier, fut arrêté pendant la dernière guerre et emprisonné au fort de Huy. Pour acte de résistance. Il avait aider à sauver un pilote anglais dont l’avion s’était écrasé dans notre village. D’autres personnes de notre village furent aussi arrêtés, pour cette même raison. ). Il est aussi un passionné de chevaux de trait belges. Il gagna de nombreux prix.
Nous reviendrons sur l’histoire du pilote anglais dans un prochain numéro, grâce à 2 dames du village qui ont vécu l’aventure. Nous remercions Didier et Clarisse pour leur accueil et les succulentes pommes qu’ils nous ont proposées.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Dans le cadre de chemin faisant, nous avons abordé la lettre C. Nous avons déjà fait référence à la Chaussée de Charleroi. Cette fois, nous nous intéresserons à la rue du Château.
Le grand-père Van Eyck est né à Ottemburg, en brabant flamand à la limite de Wavre, d’une famille de 4 enfants. Il fera ses études primaires en français. Il épousa une wallonne et eurent 5 enfants dont Joseph, l’aîné, vint reprendre la ferme du château, avec sa jeune épouse en 1945. En 1947 naissait Etienne, en 1948 Pierre et en 1950 Anne. Tous trois feront leurs études primaires à Corroy. Les garçons chez le Maître Dricot. Tous jeunes, les enfants participent aux travaux de la ferme. Ils aimaient cela!!! Il y avait à l’époque environ 120 bêtes, des cochons, un tracteur et 6 chevaux qui furent remplacés assez vite par d’autres tracteurs.
Nous avons rencontré Etienne et Anne-Marie Van Eyck. La ferme fut érigée en grande partie au XVIIè siècle. Transformée au XIXè et remaniée par la suite à cause d’incendies. La base en grès pourrait cependant signifier que la ferme serait antérieure à la construction du château et de l’église. Ce fut aussi en son temps une brasserie. La ferme appartenait aux châtelains qui la donnaient en location aux fermiers de la région. Avant que la famille Van Eyck n’en devienne locataire, le dernier fermier à louer fut Fernand Delchevalerie qui y vivait avec ses 3 sœurs, tous célibataires.
A partir de 1966, après leurs études secondaires, les 2 fils reviennent à la ferme seconder et reprendre progressivement l’exploitation familiale. Après une vie bien remplie, Joseph et son épouse Marie vont prendre du recul et construisent une maison traditionnelle rue du Presbytère, sur le terrain qui fut l’ancien potager de la ferme. A ce moment, les 2 frères prirent chacun leur destinée en main tout en continuant à travailler ensemble. Etienne et Anne-Marie restent sur la terre familiale, ont trois enfants, Stéphane, Marie-Hélène et François-Hubert. Après des études agronomiques pour l’un et sciences éco pour l’autre, les 2 garçons reprennent l’exploitation avec leurs parents. Le travail ne manque pas entre la traite, le bétail, les cultures diverses : betteraves, chicorées, froment, épeautre, escourgeon, maïs, colza et pommes de terre.
Le métier a fort évolué : lors de notre enfance, nous avons connu les moissonneuses lieuses avec des gerbes. Ces dernières étaient rentrées dans les granges pour être battues par des batteuses fixes qui demandaient environ 10 personnes pour fonctionner. On peut encore voir ce matériel fonctionner lors de fêtes de moissons. C’était aussi le temps où les betteraves étaient plantées en lignes épaisses et ensuite, c’est à la main qu’elles étaient éclaircies. Plus tard sont apparus les semences monogermes et les semis à distance. Les betteraves étaient aussi arrachées et chargées manuellement. Dans les années 55/6() le machinisme a fortement évolué, les premières moissonneuses batteuses, arracheuses de betteraves et pommes de terre sont arrivées et le mouvement a fortement évolué jusqu’à nos jours ou l’informatique se retrouve sur les machines et tracteurs. En fait, l’agriculture a suivi le même mouvement que l’industrie.
Nous sommes aujourd’hui très dépendants de la PAC (politique agricole commune) qui nous octroie des primes (mot tout à fait inexact). Mais qui s’appellent en fait des montants compensatoires. La PAC a été créée pour diminuer les prix agricoles ou les maintenir en l’état puisque ceux-ci n’ont plus bauger depuis 30 ans alors que tous nos frais ont fortement augmenté. La mécanisation, la baisse des revenus ont conduit à l’agrandissement des fermes. Hors ferme, Etienne s’est occupé ainsi que ses fils maintenant d’organisations relatives aux structures agricoles telles que la Fédération des Jeunes Agriculteurs, la Fédération Wallonne de l’Agriculture (syndicat), les Centres d’Etudes de Techniques Agricoles (CETA), le service de remplacement et les fédérations de lutte contre les maladies du bétail.
Etienne et Anne-Marie, retraités ont quitté la ferme et occupent maintenant la maison de la rue du Presbytère.
Stéphan et Franky (François Hubert) ont épousé des enseignantes. Marie-Hélène, Stéphan et Franky ont donné 7 petits-enfants à Etienne et Anne-Marie pour leur plus grande joie et parmi eux peut-être de futurs fermiers.
Merci à Etienne et son épouse pour le bon moment passé avec eux et surtout pour cette belle leçon sur la nature.…
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
En prolongation du concours de dessins, nous avons rencontré Giorgio Fontanari. Il y eut l’immigration flamande, suivie de l’immigration italienne. Un échange commercial, des mineurs italiens pour la Belgique et du charbon pour l’Italie. La famille de Giorgio Fontanari est du Trentin Haut Adige, tout au nord de l’Italie.
Son père âgé de 30 ans se retrouve ainsi au vieux campinaire à Fleurus; II est logé par la mine. II laisse épouse et enfants (Giorgio a 1 an) en Italie. Les logements avaient été conçus pour les prisonniers russes, puis allemands. Ces derniers seront contraints de descendre dans la mine.
En 1948, la famille est reconstituée (papa, maman, les jumeaux et Giorgio). Giorgio se souvient très bien des terrils et des wagonnets allant déverser le charbon à Charleroi pour y être lavé. La famille déménage et s’installe à Wanfercée-Baulet.
Giorgio, enfant était assez taciturne, un peu renfermé, à la récréation il amuse ses condisciples en faisant des dessins sur une ardoise, racontant de longues et passionnantes histoires. Mais jamais son père n’admettra qu’il fasse du dessin un métier. Bref, une vocation avortée.
Giorgio adore l’alpinisme et la spéléo, il sera membre du club alpin de Belgique. Il travaille aux Glaceries Saint Roch. Toujours un carnet et un crayon à portée de main. Il est aussi un assidu des salles d’exposition. C’est ainsi qu’il rencontre Agnès (à la salle du bailli à Gembloux). Ils auront 2 fils, Maxime et Thibaut.
Les voici à Corroy, rue de la Basse Hollande, puis, ils achètent Place Nassau. La maison est sise sur 22 ares de terrain dont une sapinière. Elle appartenait auparavant à un ardoisier. En 1830, elle était occupée par un maréchal ferrant. Giorgio qui travaille comme employé technique à l’hôpital Saint-Luc de Bouge, retrousse ses manches et refait seul toute la maison et s’installe un atelier dans la sapinière. Car il a une nouvelle passion, la taille de la pierre. II fit certainement plus de 200 sculptures, toutes vendues. En 2008, il écrit un livre à compte d’auteur : le destin fourvoyé.
En 2012, il « sort » un livre en italien. Il sera vendu en Italie via un éditeur : Il Destino Fuorviato Addio alla Montagna.Livre écrit en hommage à son père – décèdé à 61 ans de la silicose – et à sa région natale. Comme avec son ardoise, il illustre et raconte. Et enfin, retraité, il sort sa 1ère BD, rêve qu’il aura mis 50 ans à réaliser. Les bulles sont en français et sous-titrées en italien en bas de page. L’histoire se passe dans le bassin minier de Charleroi, suivie de la disparition d’un enfant, un inspecteur de la PJ prend le relais, on mentionne la catastrophe du Bois du Cazier et la fin est des plus surprenantes. La BD s’est vendue en Italie et se vend, en français en Belgique. Elle est encore disponible chez notre artiste, si vous le souhaitez.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Le 15 mars 1954, par une journée de printemps brumeuse, la famille de August et Marie Baes-Van Waes quitta la Busstraat (Zaffelare) pour une ferme wallonne, poussée, comme d’autres agriculteurs ou fermiers de leur région, par le manque d’avenir. Il y avait 8 enfants. August ainsi que son frère René épousèrent deux sœurs, Marie et Anna Van Waes.
René, le plus entreprenant, marié à Anna décida de quitter Moerbeke, peu après la guerre pour venir s’établir en Wallonie, à Corroy-le-Château dans une ferme située le long de la chaussée de Charleroi.
Quelques années lui suffiront pour reprendre une plus grande ferme à Fleurus. Il laissera la ferme de Corroy à son frère August et sa belle-sœur Marie.
Dans les documents laissés par l’instituteur Henri Van Hooreweghe, on retrouve une lettre de Jozef Baes (fils d’August et agriculteur à Corroy jusqu’à son décès en 2014) adressée à son ancien instituteur de Zaffelare, peu de temps après avoir quitté sa classe. Cette missive parle de son étonnement par rapport à tout ce qu’il vivait en Wallonie et qu’il n’avait pas encore pu vivre à Zaffelare. Il parle aussi de sa nouvelle maison, de ses nouveaux amis.
Vous trouverez cette lettre ci-dessous. Elle date du 5 avril 1954, Jozef a alors 8 ans et fréquente l’école du village.
Nous pouvons sur fond de cette lettre reconstruire tout ce que cette famille abandonnait à Zaffelare : une ferme de 10 hectares (ce qui était déjà conséquent pour une ferme de cette région ), une ferme basse au toit de chaume, sans téléphone ni eau courante. Les parents dormaient au rez-de-chaussée dans une grande chambre et quelques enfants dans une petite chambre ou dans une chambre voûtée. Les garçons dormaient au grenier. Des champs entourés de haies qui ne permettaient que de voir un champ à la fois. Il y avait aussi un cheval de trait mais pas de tracteur ni d’autres machines agricoles performantes tels qu’une machine qui pouvait nouer automatiquement les blés. On ne parlait pas le français bien sûr à part quelques privilégiés et à Zaffelare, le train ne passait pas. Une seule langue était commune, celle de l’église : le latin.
Lettre d’un jeune émigrant de Zaffelare en 1954
« Je prends ma plume pour vous écrire quelques mots. Une semaine après notre arrivée, nous devions aller à l’école. Ce n’est pas une belle école mais nous pouvons quand même y étudier. A un hectomètre derrière notre champ circule le train. Parfois un long, parfois un court. Ici, il fait montagneux et on peut voir tout le paysage à partir de notre champ. Nous avons 40 hectares de terre et devons marcher un quart d’heure pour rejoindre l’école.
Tout est déjà semé, nous avons deux tracteurs et aussi un téléphone. Nous avons 4 remorques et 2 « noueuses », une nouvelle et une vieille. A côté de notre école on a construit une école maternelle. Elle doit encore être « nettoyée ». Et j’ai déjà un copain qui parle le flamand. Il vient de Aalter. Maintenant, il n’habite pas très loin de chez nous. Nous avons une grande grange, un semoir et une balloteuse. L’église est belle et je dois servir à la messe. Nous avons 6 robinets. Ma chambre est belle et grande et nous dormons tous à l’étage. Il y a aussi une petite chapelle derrière notre ferme.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Rue des Bruynettes : hameau situé à l’ouest du village, endroit souvent noyé dans les brumes (NDLR: La rue s’appelait autrefois Rue de la Brouynette, qui vient du Wallon al. Brouynette, La Bruinette: le petit buisson [wall: Brouyon]) (1).
Nous avons rencontré Joseph Gilbert, habitant la rue des Bruynettes, au numéro 28. La maison de ses grands-parents.
Joseph est né en 1926, et a vécu à la ferme de ses parents chaussée de Charleroi, 8 à Tongrinne au lieu-dit la ferme des fumes. Sa maman était de Corroy, rue Basse Hollande. Il travaillera à la ferme jusqu’à sa retraite.
Dans sa jeunesse, Joseph et sa sœur iront bien souvent au 28 rue des Bruynettes, chez leurs grands-parents. Les parents étant très souvent aux champs.
Joseph fait ses études primaires à Corroy avec monsieur Dricot futur instituteur de l’école. Il se souvient que Monsieur Dricot avait ouvert bénévolement une école du soir +pour adultes.
En 5è année, il quitte l’école de Corroy et ira dorénavant, à vélo, à l’école des Frères, place de l’Orneau à Gembloux. Pendant la guerre, il a une quinzaine d’années, il se fait des petits sous en retournant la terre des jardins. Tout le monde, à cette époque, cultivait son lopin de terre.
Joseph a 28 ans et il convole avec la fille des voisins de ses grands-parents. Le père de la mariée était cultivateur chez Van Eyck, rue du Château. Les jeunes époux travaillent ensemble à la ferme de Tongrinne, à deux pas de Corroy. La plupart des terres de Corroy appartenait au Marquis. Joseph, locataire de +/- 10 hectares de terre, et d’autres petits propriétaires s’épaulaient mutuellement. Les fermes Gollard, Delchevallerie et Bertinchamps étaient plus importantes et faisaient appel à des saisonniers, pour la plupart flamands.
Joseph se souvient aussi d’avoir vu passer des cars de Flamands partant pour les mines de Charleroi. Chaque petite ferme a quelques bêtes et volaille.
A 65 ans, Joseph prend sa retraite. Et laisse la ferme de Tongrinne, toujours active actuellement, à sa fille et son gendre, agriculteur à Ligny. Joseph et son épouse viennent alors habiter Corroy, la maison des grands-parents décédés. Celle-ci était habitée alors par son oncle (le frère de sa maman), invalide de guerre. Il était cordonnier et tenait boutique dans sa maison. Celle-ci était composée de 2 pièces à vivre et d’un atelier à l’arrière. Le garage, en façade était l’étable. Il y avait aussi 2/3 hectares de terres, entourant la ferme. Ces terres sont devenues des terrains à bâtir par la suite.
En face de la maison, au coin de la rue des Grenadiers, se trouvait la grange, celle-ci est devenue une maison en location. Un peu plus loin dans la rue des grenadiers, il y avait 2 petites fermes.
A l’époque la rue, en gros pavés ne faisait que 2m50 de large. Joseph avait un puits devant sa maison qui se retrouva quasi dans la rigole lors de l’élargissement de la rue. Il se souvient des commerces du carrefour Bruynettes-Marronniers. Il y avait là de nombreux commerces, c’était le cœur du village.
On peut apercevoir, en remontant la rue des Bruynettes, au milieu des herbes folles, une vieille forge, nous dit Joseph. Notre médecin, propriétaire actuel, a des documents désignant ce bâtiment comme étant l’ancienne tuerie (abattoir) de l’ancienne boucherie de la rue des Marronniers.
Dans la boucle de la rue des Bruynettes, dans la grande maison, habitait Louis Wauverman, boxeur, champion de Belgique 1935.
Joseph nous parle aussi d’un maréchal ferrant, monsieur Coyette qui eut plusieurs enfants, dont Emma qui épousa le fils du Grand Georges, dont nous avons parlé dans un numéro précédent. Le Grand Georges qui vendit les terres qui allaient devenir, beaucoup plus tard, le centre sportif de Corroy.
Quand nous avons rencontré Joseph, il n’aurait pas grand-chose à nous raconter, mais au fur et à mesure les souvenirs faisaient surface. Nous en avons retiré le principal, sans rentrer dans les détails que Joseph sautant du coq à l’âne nous a raconté avec verve et fraîcheur.
Merci Joseph pour ce bon moment où nous avons constaté que dans notre village tout se recoupait.
Sources: (1) Jean-Jacques Jespers, Dictionnaire des noms de lieux en Wallonie et à Bruxelles, Editions Racine, Bruxelles, 2005.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Chemin de Bois-Jean : chemin qui prolonge légèrement vers la droite la rue du Villez, de l’autre côté de la chaussée de Charleroi.
C’est un chemin de promenade vers le RaVel et Grand-Manil. Ce chemin mène au bois du même nom. Il faut peut-être retenir que Jean IV, compte de Nassau-Dillenburg (1410-1475) séjourna souvent à Corroy.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Nous avons eu le plaisir de rencontrer Monsieur Jean-Pierre Thielens. Une belle personnalité de Corroy.
Les grands-parents de J-Pierre Thielens étaient les propriétaires de la ferme blanche de Corroy (Ferme du Marais), située en face de l’Eglise. Ils ont quitté la ferme il y a 25 ans. Son parrain – André Thielens – frère de son père a quitté la ferme voici 20 ans. Son père avait créé quant à lui une petite entreprise agricole à Sauvenière. Jean-Pierre Thielens, voyageur dans l’âme a donc rompu une tradition qui semblait acquise. Mais ces rêves de voyage l’on amené finalement à créer une société qui lui a permis de bien voyager et notamment vers l’Indonésie où il s’est rendu plus de 200 fois. Tombé amoureux de cet archipel, il s’est lancé dans l’importation d’artisanat et mobilier indonésien. Il vous fabrique des meubles sur mesure dans des bois de qualité. Son atelier, avec quelques ouvriers se situe à Sombreffe. La société de mobilier (Dewi’s Home) se trouve à Gembloux, chaussée de Charleroi, 7. Jean-Pierre Thielens a remis ses affaires, il y a 5 ans à ses enfants, Laurence et Pierre. La famille Thielens participe principalement aux foires telles que : Paris, Batibouw, Cocoon… Si Jean-Pierre Thielens a la passion du voyage, il a aussi celui de la nature et du romantisme qui l’accompagne. Il y a 10 ans je suis tombé amoureux des étangs de Corroy, nous dit-il. De son calme, de ses oiseaux. J’ai contacté l’ancien propriétaire, Francis Plenneveaux, qui m’a donc vendu ses étangs. Francis, passionné de chasse (principalement celle au canard), avait conservé l’endroit en site sauvage et naturel pour attirer le gibier. A l’origine, les étangs étaient en partie propriété du Marquis de Trazegnies et de la commune de Gembloux, avant d’être vendus il y a +/- 40 ans à Francis Plenneveaux. C’est lui qui a entamé les premiers travaux. Il élimina notamment le dépôt communal où l’on trouvait, pavés, bordures, barrières…Il creusa aussi les fondements de ce qui allaient devenir les étangs en recueillant et canalisant le petit cours d’eau qui vient du bois des 7 fontaines. Il passa ensuite le relais à Jean-Pierre Thielens qui en fit ce que sont les étangs aujourd’hui. Jean-Pierre n’est pas chasseur mais amoureux des oiseaux. Il se rend au moins 1 fois par jour aux étangs pour plonger dans cette ambiance qu’il adore. Il y comptabilise 7 colverts qui à chacune de ses visites l’accompagnent jusqu’aux étangs où ils reçoivent à manger. Il y a aussi des bernaches (oies du Canada) et des ouettes (petites oies fines et élégantes du Nil). Chaque année leur transhumance les conduit aux étangs. En 2015/2016, les étangs ont été envahis par une trentaine de cormorans, qui ont causé de gros dégâts, les pêcheurs s’en souviendront, leurs nasses quasi vides. Il y a aussi 3 ou 4 hérons, qui à l’instar du chat joue d’abord avec sa proie avant de la manger. Donc, Jean-Pierre Thielens, aidé de pêcheurs bénévoles refit les berges, les consolida, redessina les étangs, cela pris des mois, mais son amour des étangs était tel qu’il ne compta ni son temps, ni ses moyens, en restant raisonnable bien sûr. Il y a 3 étangs dont les profondeurs varient de 80 à 150 cm. Les étangs sont loués, à l’année à 3 sociétés de pêche dont les pêcheurs de Corroy. Ce sont celles-ci qui ont construit les cabanons que l’on retrouve sur la propriété et qui entretiennent les pelouses. Les étangs sont, comme nous l’avons vu plus haut, alimentés par le petit cours d’eau qui vient du bois des 7 fontaines, petit bois d’1 hectare qui appartient aussi à Jean-Pierre Thielens et qui est le refuge de 3/4 chevreuils, qu’il est interdit de chasser. Les étangs sont aussi alimentés par les drains de champs mis en place par la famille Van Eyck.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Rose-Marie nait en 1942, dans la maison de ses grands-parents, 51 rue des Ecoles (22 rue Maison d’Orbais). Fille, petite-fille et nièce d’instituteurs de Corroy II.
C’est la profession de la famille. Un de ses cousins en a comptabilisé 27 III Rose-Marie ira donc à l’école communale des filles, détruite entre-temps, rue Maison d’Orbais
Elle fera ses 6 années primaires avec la même institutrice, madame Van Copenolle. Une grande entraide régnait dans ce petit monde.
Son papa, succédant lui-même à son père s’occupe de l’école des garçons, jouxtant la maison communale (l’école d’aujourd’hui). Sa tante (la sœur de son papa) est régente de maternelle
Emile Dricot, son papa, n’était pas seulement instituteur. Ses compétences de géomètre-arpenteur ont fait qu’il a mesuré à peu près tous les terrains de Corroy. II était aussi un artiste peintre de talent. Qui parmi les anciens de Corroy n’a pas une toile « do Maisse Dricot » C’était aussi un philatéliste compétent, il a d’ailleurs participé à la création d’un club à Gembloux.
Mais avant tout, il aimait rendre service. L’achat d’une voiture en 1950 a facilité les choses. C’est alors aussi qu’il a créé le club de basket de Corroy. Le jeune Joseph Germain faisait partie de l’équipe. Il lui succédera en tant que président.
Deux salles du complexe sportif portent leurs noms (Salle Emile Dricot et salle Joseph Germain).
Emile avait décidé que Rose-Marie devait apprendre le néerlandais, et la voici donc pensionnaire à Heverlee, près de Leuven. De nombreux professeurs francophones y enseignaient alors. Des classes francophones sont créées pour leurs enfants et Rose-Marie les rejoint. Pas idéal pour apprendre une autre langue. Ceux-ci dénotaient par rapport aux disciplinés néerlandophones. La gouaille prenant le pas sur une certaine rigidité flamande. Rose-Marie est heureuse avec ses copines, mais il ne fallait pas avoir de retenue, sans quoi le retour chez les parents n’avait lieu que toutes les 6 semaines, au lieu des 3 semaines réglementaires.
Après ce passage à Heverlee, départ pour Nivelles, où elle effectuera un régendat en sciences et géographie.
Nous sommes au début des années 60, les emplois sont rares, sauf si…. l’on va très loin.
Rose-Marie guidée, conseillée et poussée par les religieuses s’expatrie au Congo belge. Elle y restera 4 années, professant toutes les matières. Elle y est aussi heureuse. Mais en 1967, elle décide de revenir en Belgique, les événements se précipitent dans un Congo en forte ébullition.
Rose-Marie rencontre alors Yvan Royaux, ingénieur des travaux publiques. Ils auront 2 filles et 1 garçon qui leur donneront 8 petits-enfants. De futurs enseignants ???
Rose-Marie, membre du Top, est une marcheuse, mais son hobby, c’est le jardin.
Celui-ci prend une bonne partie de la première partie de la rue du Presbytère.
Un jardin généreux, semi sauvage, recelant de plantes et légumes rares, originaux… Elle y est par tous les temps et aime partager son expérience bucolique.
Ou, alors, elle est « Toudi suil Voye ». Elle aura traversé la planète en tous sens, gardant des images. des expériences pour les partager et raviver ses souvenirs.
Mais surtout Rose-Marie, habite la maison de ses grands-parents, rue Maison d’Orbais, maison perpendiculaire, face à la ferme et aux terrains du « Grand Georges », terres de convoitises qui après plusieurs destinations sont devenues notre Hall des Sports.
Retraçons en grande ligne, l’histoire des terres du Grand Georges (dont Rose-Marie a oublié le nom).
Si quelqu’un s’en souvient III!
Vous connaissez tous les bâtiments roses du début de la rue. Cet ancien carmel, devient, début des années 50, l’Orphelinat de l’Enfant Jésus. Un établissement pour filles.
Les sœurs de l’Enfant Jésus rachètent au prix fort les biens du Grand Georges. Sa ferme est rasée et les prés en bordure de la rue Maison d’Orbais deviennent la cour de récréation de l’Orphelinat Saint-Joseph qui lui, accueille les garçons (actuelle cité des couteliers). Il y avait des orphelins et des enfants du juge. Une part de ce enfants fréquentait l’école communale.
La partie arrière de la cour, dallée, servira, dans les années 80, aux entrainements du club de basket.
C’est ce bâtiment, comprenant de nombreuses classes, salle de sport, cantine et logements qui finira par être mis en vente, de belles terres l’entourent.
Mais, Il n’y a pas preneur, même la ville de Gembloux ne profite pas de l’opportunité et avec le temps on peut penser qu’elle doit le regretter…
Le bâtiment est à l’abandon, subit de nombreuses dégradations, les années passent.
Les sœurs décident alors de louer leur bien. La firme GEMEL de Gembloux s’y installe, c’est une société spécialisée dans le produit surgelé de luxe, mais la société fait faillite.
Et c’est Castelflor qui finit par acheter les bâtiments. Elle y construira des serres, elle obtient le soutien de la région wallonne, mais les propriétaires, deux frères habitant Corroy, ne s’entendent pas et les plantes et fleurs quittent le village.
C’est un sicilien (dont on a oublié le nom, si quelqu’un s’en souvient…) qui rachète le tout. L’orphelinat des filles est vendu par parcelles à des particuliers qui occupent donc un très beau carmel de la fin du 18e siècle.
L’orphelinat des garçons a été acheté par la société « la Cité des Couteliers » qui en fera des appartements à loyers modérés.
Les terres devant le bâtiment de la cité des couteliers sont achetées par la ville de Gembloux qui y construira bien plus tard, notre salle des sports
Difficile de s’imaginer qu’il y eut à cet endroit des biches et des faons qui y broutaient l’herbe et qui faisaient la jole des enfants.
La Cité des Couteliers possède encore le terrain, à l’arrière de l’école, à droite du complexe sportif (côté rue de l’Ange). Beaucoup de rumeurs circulent quant à son affectation: il deviendra en 2021 la Forêt Jardin de notre projet collectif de l’asbl Les Faisans.
Que de changements depuis l’époque du Grand Georges, mais tout change. Évitons que notre village ne devienne un village dortoir.
C’est pour cela que nous vous racontons nos rues, nos voisins, notre histoire.
Vous avez des secrets à partager, alors appelez- nous, nous viendrons vous écouter.
Micheline et Stéphan : 081.61.00.31
Merci à Micheline et Stéphane pour cet interview de Rose-Marie.
Une série proposée par Micheline et Stéphan Sarnowski
Nous avons rencontré Josée Bauwens, « la Boulangère » du village, qui tenait commerce au 10 rue des Marronniers de Corroy. Fille de Joseph Burteau et de Joséphine Ponlot.
Josée est née en 1929, aînée de six enfants, très proches en âge, ils se suivaient de +/- 14 mois. La famille vivait rue du Strau, petite rue en arc de cercle, inscrite dans la rue des Brunettes, une grande maison en briques et en pierres bleues.
Les grands-parents n’habitaient pas très loin, rue des Bruynettes, juste à coté de notre Marie Doudouye. Mais avant de parler de la boulangerie, Josée a voulu nous retracer son parcours pendant la guerre 40-45.
En 1940 le village est contrôlé par les Français, ils poussent la famille à quitter le village pour fuir les Allemands qui ne sont plus très loin. Les premiers Allemands sont tellement proches qu’on les retrouvent déjà embusqués derrière les haies qui entourent, en ce temps-là, les Brunettes. Joseph, mineur dans la région de Charleroi, était déjà parti avec son régiment, les Chasseurs Ardennais. Mais très vite ce fut la débâcle. Joseph ira en vélo, avec un ami, jusqu’à Rouen. Là, il apprend par le curé de Corroy, le curé Soeur, que sa famille est à Cahors, qu’elle se porte bien et rentrera prochainement. Joseph regagna Corroy dans l’espoir de les accueillir très vite.
De nombreuses familles ont eu des nouvelles des leurs par le curé Sœur, il rassura bien des familles.
Le mardi, suivant l’invasion allemande de Corroy, Josée se souvient précisément du jour, elle a 11 ans, monte sur une charrette prêtée par les fermiers Thielens.
Elles sont 17 personnes à y prendre place. Parmi elles, Josée, sa maman et ses frères et sœurs (la plus jeune a 4 ans). La charrette est menée par quatre chevaux et deux hommes, qui se disputeront sans cesse.
Elle est chargée de jambons et autres denrées, de couvertures. Et en route pour… 17 jours d’une folle équipée, 17 jours en charrette, à la merci des bombardements, dormant dans des étables, se nourrissant à la débrouille, de la charité des habitants des villes traversées. Josée souligne l’accueil très amical des Français. Et ce jusqu’à Sablé on quitte la charrette, d’ailleurs les conducteurs s’étaient séparés entretemps, n’arrivant pas à se mettre d’accord sur leur destination. Là, on passe, un agréable moment auprès d’une famille française puis on attend le train, on l’attend pendant 3 jours…
Les enfants passent le temps, ont des copains, font de la barque… Oui, mais voilà que le train arrive de façon inattendue et il manque 2 frères qui s’ébrouaient dans une proche rivière. Panique, mais le train attend les chenapans et tout le monde embarque !! Ouf.
Et les voilà repartis. Ils vont faire la route des pigeons (les colombophiles connaissent), comme ceux de papa: Orléans, Tours, Bordeaux, Cahors. Les gares sont bondées, les centres d’accueils et la Croix Rouge sont submergés.
Sur les quais, les gens apportent du pâté dont l’odeur reste gravée dans la mémoire de Josée. Enfin ils arrivent, toujours en famille, chez une dame à Caillac, à 14 km de Cahors. Le mari, un comte, est parti à la guerre (il n’en reviendra pas). Les voilà donc ensemble dans le Lot.
Les enfants jouent ou se font couper les cheveux par des Algériens, ils y sont cantonnés et nombreux à Cahors. Cette vie dura trois mois, puis retour vers la Belgique via des wagons à bestiaux, oui, vous lisez bien.
Joseph les attendait, il avait retrouvé sa maison pillée, comme bien d’autres maisons de Corroy, mais les pilleurs n’étaient pas toujours ceux que l’on croit. Il retrouve donc sa famille et retourne travailler à la mine.
Parions un peu de Joséphine, la maman de Josée, qui travaille au château, elle essaye que ses enfants prennent du bon temps malgré tout. Mais sa sapté s’est dégradée et l’exode n’a fait qu’aggraver son état: un fibrome des plus virulents. Elle trouva la force de ramener ses enfants à Corroy, sans que ceux-ci se doutent de quoi que ce soit. Quelques mois encore. Josée a compris, les autres enfants toujours pas. Josée, lalinée prendra los rennes de la famille pendant l’absence du père, au travaii. Joséphine sera hospitalisée à la « clinique Astrid° (l’actuelle Académie de musique de Gembloux).
Et vola Joseph veuf, bien jeune et père de 5 enfants.
Ceux-ci resteront dans la maison familiale, sous la surveillance des grands-parents et de la tante Albertine (soeur de Joseph Burteau) qui épousa un Malcourant, et maman de l’instituteur du village, Monsieur Malcourant.
Oui, mais et les cougnous ? Patience.
Josée n’a encore que 11 ans et va à récole, chez madamo Defoin (qui venait à vélo de Grand-Leez). A l’école, puis chez Madame Van Coppenole à la rue Maison d’Orbais. Les filles Bauwens à l’école dans le village et les garçons à Gembloux, à Saint-Guibert.
Mais, très vite, Josée doit aider sa grand-mère, colle ci lui apprend à faire quantité de choses et notamment la pâte à pain. On est toujours en guerre, les gens préparent leur pâte et vont la faire cuire chez Jules Bauwens qui a un penchant pour la fabrication du pain et s’y essaye progressivement.
Comme aime à le dire Josée: sans la guerre, je ne serais pas devenue boulangère.
Jules Bauwens, veuf d’un premier mariage est le papa de Rosalie (épouse d’un vétérinaire) et Louis qui travaille avec son père. Au départ les parents travaillaient tous deux au château de Corroy, ellE aux cuisines et lui comme serveur.
Jules se remarie et aura encore trois enfants. Cela fait du monde à nourrir | Les époux Bauwens possèdent aussi une petite porcherie, avec quelques bêtes à « Vieille Maison » un lieu dit de Sombreffe.
Josée va donc régulièrement faire cuire son pain, et s’étonne quelque peu de voir Louis lui prêter ses plus belles platines, lui faire des sourires en coin …. Bref les amies de Josée comprennent avant elle.
Josée n’étant pas insensible au charme de Louis, les voila ensemble, en tout bien, tout honneur. Mais nos tourtereaux se heurtent au non catégorique de la grande sœur Rosalie. Mais rien n’y fera, Louis a choisi sa belle.
Rosalie se rattrapera, en s’occupant plus tard, de leurs deux enfants. Josée et Louis passant un temps fou dans leur boulangerie.
En 1952, après leur mariage, Louis et Josée fixeront leurs pénates dans la boulangerie Bauwens, qui fut avant cela une cordonnerie répute. Ils y travaillent mais rentrent encore dormir à Sombreffe, pour s’assurer un peu d’intimité. Léon notre bien aimé kiné de la rue des Marronniers, nait 2 ans après le mariage, et Bernadette suivra quatre ans plus tard.
Et Josée apprend le métier de boulangère, a rouler la pâte, à deux mains! à peser, enfourner et préparer les commandes, peu à peu Jules (le papa de Louis) prend du recul, et c’est lui qui va dormir à Sombreffe…
Louis et Josée vont peu à peu transformer la boulangerie en un commerce florissant. Moderniser, produire, livrer plus, a la force de leurs bras, suivez plutôt une journée type…
Faire la pâte (pour deux cents pains quotidiens), les peser, les passer à la rouleuse, à la peseuse et terminer par l’armoire de fermentation (certains se souviendront sûrement de ces passets de tulle, fixés sur le mur, et qui se retournaient les uns dans les autres pour mieux lever la pâte).
Toutes ces machines les aidaient beaucoup, mais le plus merveilleux fut la mise au grenier de deux silos de 5000 kilos de farine, farine qui « coulait* directement dans le pétrin. Ces silos prenaient de la place mais facilitaient grandement le travail de nos 2 boulangers. Avant cette transformation, Il fallait porter des sacs de 100 kilos sur le dos
Évidemment, ça peut entrainer l’un ou l’autre problème. Josée nous parle d’un silo mal fermé et de la farine qui a envahi la boulangerie jusqu’à la porte.
Une montagne de farine. Quel boulot pour tout remettre en l’état, mais aussi quel souvenir
Le four est modernisé. Il est alimenté au gaz et fournit en prime de l’eau chaude. Une telle Installation était d’avant garde. Louis mettait la fournée, puis partait faire ses livraisons. Josée et ses aides (des ados qui voulaient se faire un peu d’argent de poche). se dépêchaient de défourner et, quand Louis reviendra de sa tournée, il y aura un autre enfournement. Josée nous fait remarquer que tous ces aidants étaient couverts » en cas d’accident.
On ferme le dimanche, mais il y a des pistolets le samedi, et d’autres nouvelles gourmandises comme le cramique, les gosettes, les sandwiches et les fameux cougnous, et tout cela pouvait être livré I
Louis livrait aux particuliers, à certains dépôts. La camionnette livrait à Tongrinne, Sombreffe, Bothey et Gembloux.
Le débit de la boulangerie est telle que Josée et Louis deviennent des franchisés des usines de farine Romy.
Mais qui est-ce qui explique ce succès, en voici l’explication en quelques lignes.
Chez les Bauwens, tout est frais, les œufs proviennent de la ferme Van Eyck. Il y a du choix : du pain gris, de seigle, de froment… la cuisson est a façon : tendre, cuit, bien cuit. Mais toujours de la boulangerie, pas de pâtisseries. Pâtissier, c’est un autre métier.
Mais revenons à nos cougnous, la boulangerie en produisait des centaines. Josée nous raconte: en 1958, pour l’exposition universelle de Bruxelles, la boulangerie Dumont de Namur fit appel à Louis, dont la réputation était parvenue jusque là. Dumont fit venir 2 apprentis et pendant 2 nuits, Ils produisirent des centaines de cougnous pour répondre à la demande de l’expo. Les fours de Louis étaient réputés pour leur fiabilité et Dumont le savait.
Josée ouvrait parfois sa boulangerie dés 4-5 heures du matin pour satisfaire des clients. Ou mieux pour accueillir des gendarmes qui terminaient leur nuit à la boulangerie autour d’un café dans la cuisine de Josée.
Les enfants étaient pensionnaires, les horaires de la boulangerie y contraignirent leurs parents. Le couple allait dormir vers 21 heures et Louis enfournait à 2 heures. Mais Louis est fatigué, et cela se comprend, voilà 38 ans qu’il est sur la brèche. Tous les jours et toutes les nuits, sauf le dimanche.
Il loue son commerce à Noël (le dernier boulanger que nombre d’entre nous ont bien connu) et son épouse. C’était en 1983.
Fatigué, Louis meurt d’un infarctus à 62 ans. Il abandonna ainsi sa moitié qui conclut : j’ai eu une belle vie, j’ai été heureuse en ménage, j’ai eu un beau métier.
Josée n’est pas nostalgique, c’est une femme vive, souriante, heureuse de partager sa vie avec une famille qu’elle adore et qui l’adore. Elle est fière d’être arrière grand-mère, elle revenait d’ailleurs d’un baptême quand nous l’avons rencontrée. Et certains vous diront qu’elle est une incorrigible bavarde, mais chez elle ce n’est pas un défaut.
Merci à Micheline et Stéphane pour cet interview de Josée.